Portraits lyonnais / portraits croisés : des Beaux‐Arts à Gadagne
Le 19 octobre dernier, la section Histoire des Arts s’est rendue à Lyon ! Pendant que les « spé » cherchaient les femmes en art, les « optionnels », eux, exploraient la thématique du portrait en déambulant dans les salles du Musée des Beaux Art et du Musée Gadagne dont les « Portraits de Lyon » promettaient quelques réflexions sur le portrait d’une entité collective... Gabrielle G et Jeanne L., élèves de terminale, partagent avec nous leurs réflexions ! Merci à elles !
Gabrielle G
Le mercredi 19 octobre 2022, tout le régiment de la section « Histoire des Arts » a inauguré son année en bonne et due forme par la traditionnelle visite du Musée des Beaux-Arts de Lyon, situé place des Terreaux. Cette nouvelle année scolaire, en plus d’agrandir la famille HIDA, introduit une thématique toute fraîche, celle du portrait, autour duquel, visites et projets vont s’organiser pour nous offrir quelques belles découvertes et expérimentations !
Pour cette matinée, il est question de flâner autour des illustres œuvres du Palais Saint-Pierre, de retracer l’évolution du portrait au cours des siècles, de l’Antiquité au XIXème siècle.
Avant toute chose, le portrait et ses origines légendaires...
D'après les écrits de Pline l’Ancien, le portrait prendrait ses racines dans le fameux mythe corinthien de Dibutade dont la fille, amoureuse d’un jeune guerrier qui partait à l’étranger, dessina la silhouette du visage projetée sur le mur ; Dibutade, le père, potier de son état, emplit de terre cette ligne et le modela. Voilà pour le mythe !
Ceci étant dit, nous savons d’où partir pour comprendre les portraits présentés au fil de cette visite. Après la présentation de ce musée encyclopédique, notre médiatrice nous a invités à échanger autour de la notion de portrait et de ses différentes formes : recouvrant les arts plastiques tout autant que la littérature et la musique, le portrait est pluriel dans ses formes mais son objectif, sa fonction, est bien de tenter de décrire, de dépeindre de représenter une identité.
Suite à cette petite table ronde improvisée dans les salles du musée et qui a permis d’établir les bases et de cadrer les contours de notre « concept », s’en est suivie une visite commentée, chronologique, sur le portrait, à commencer par sa genèse dans l’Antiquité.
C’est devant les portes du temple de Médamoud, en Egypte, que nous avons débuté le parcours. Elles résument bien la perception du portrait de l’époque : sa représentation est davantage d’ordre mystique et allégorique que réaliste et individuelle. On y représente ainsi deux images de pharaons... qui s’avèrent tous les deux être Ptolémée IV. Des pharaons identifiables à leurs attributs : barbe droite postiche, symbole par excellence du pharaon ; le pschent, qui n’est autre que l’assemblage de la couronne rouge de Basse-Égypte et de la couronne Blanche de Haute-Égypte et qui matérialise l’unification par le pharaon des deux Égyptes, et rappelle que Ptolémée IV est garant de l’harmonie de ses territoires.
Cette idée est renforcée par le sentiment que les deux pharaons vont se rejoindre pour se serrer la main. Cette œuvre a pour but de glorifier le règne du pharaon comme l’indiquent les frises qui traduisent la longévité du règne ainsi que la présence du dieu local, le grand taureau de Montou, marquant la prospérité d’un règne placé sous les hospices des divinités. Cependant la seule indication permettant de poser le nom sur le pharaon des portes est le cartouche situé en haut qui désigne Ptolémée comme le pharaon gravé.
Le portrait à l’Antiquité a donc, avant tout, pour ambition d’indiquer une fonction, d’attirer l’attention sur le détenteur du pouvoir et, en aucun cas, de rendre visibles les traits d’une individualité dont le concept même est probablement étranger aux Anciens. Il s’agit ici de susciter l’adulation, voire l’adoration du peuple, de promouvoir le culte d’une personnalité d’essence divine dans laquelle le pouvoir de l’Etat, repose... avec la bénédiction des dieux.
Cet aspect du portrait nous permet d’évoquer la foi des Égyptiens antiques : pour eux la mort était considérée comme proprement capitale, en tout cas comme bien plus importante que la vie, courte et transitoire. D’où la ritualisation de la mort dont les tombeaux et leurs ornements témoignent. Ces tombeaux gravés et peints modèlent un visage et redonnent vie au corps enseveli. Cette représentation a plusieurs fonctions : d’une part il s’agit de ce que l’on pourrait appeler un « devoir de mémoire » imposé à la famille et aux proches qui peuvent/doivent invoquer l’être aimé via l’image dessinée sur le tombeau, semblable à un masque. D’autre part dans la volonté de se redessiner un physique idéal dans la mort, sorte de souhait de l’apparence future dans le monde de l’au-delà.
Cette « impersonnalité » des modèles figurant dans les portraits se perpétue jusqu’au Moyen-Âge, à la différence près que les portraits médiévaux se dédient à une toute autre finalité : la glorification de l’apparition divine chrétienne et la mise en valeur de passages bibliques. Dès lors le recours à l’imaginaire de l’artiste et l’éventail des représentations possibles se réduit : la transmission des textes religieux prime. Au diable le réalisme des proportions et de la perspective puisque l’Homme n’est qu’un profane porteur du péché originel ! Se distinguent dès lors les œuvres profanes et les œuvres pieuses, ces dernières pouvant, à Byzance notamment, subir la crise iconoclaste dont l’objectif est de revenir à l’essentiel de la symbolique pieuse. Et puis, ce fut l’Humanisme qui renoue avec l’Homme qu’il replace au cœur des œuvres, qu’il individualise et dont il reconsidère la place dans la Création. De cette façon, l’Humanisme et la Renaissance marquent véritablement « l’âge d’or du portrait » dans la mesure où les artistes de cette époque n’hésitent pas à représenter fidèlement l’Homme, à recourir à des modèles qui vont singulariser les personnes dépeintes par leur caractéristiques propres.
L'autoportrait des artistes se diffuse également, notamment dans les cours européennes afin que les monarques puissent apprécier les talents de l’artiste et envisager de l’engager pour réaliser des peintures officielles. Parmi ces artistes enrôlés au service des puissants, notons Simon Vouet, forcé à rentrer de Rome pour se mettre au service du roi Louis XIII, et devant renoncer à la vie insouciante et libre qu’il menait en Italie. Un de ses autoportraits (non achevé et présenté au MBA de Lyon) laisse transpirer le désarroi de l’artiste à cette époque de sa vie... Ironie du sort que cette renommée dont l’artiste refuse les conséquences !
Regard vaporeux, yeux congestionnés, cernes creux témoignant de sa fatigue et de sa résignation, voilà le portrait que Simon Vouet veut offrir à la postérité ! Tel un journal de bord, le portrait veut décrire l’état psychologique du moment, il n’est plus la représentation statique et figée de l’homme mais le reflet de ses émotions, émotions que l’artiste n’hésite pas à rehausser, à « vivifier » pour mieux faire catharsis en quelque sorte !
Et pour clore cette visite, la caricature ! En se voulant la satyre de la société et de ses composantes les plus en vue, la caricature en dresse un portrait mordant et ironique qui n’hésite pas à mettre en exergue ses défauts les plus criants. Elle traduit généralement l’idée (souvent peu flatteuse !) que l’opinion publique (le peuple en somme !) se fait d’un personnage clé de son époque. Daumier, sous la Monarchie de Juillet, est le promoteur de ce portrait-charge, les 26 bustes en bronze présentés au Musée en témoignent : parlementaires, personnalités en vue sont égratignés. Même le roi Louis- Philippe est moqué pour son incapacité à trancher et son habileté à ménager la chèvre et le chou !
Gabrielle G
Le musée Gadagne est un lieu patrimonial emblématique de Lyon. L’ancien Hôtel de Gadagne est le plus grand édifice du vieux Lyon, c’est un hôtel particulier construit au début du XVIème siècles par les frères Pierrevive, et qui, par la suite, a appartenu à une riche famille de marchands italiens, la famille Gadagne, d’où son nom actuel. Une magnifique cour, des escaliers à vis, des cheminées monumentales, un plafond peint, et des jardins cachés au dernier étage, ce lieu est un vrai monument de la Renaissance.
Le musée Gadagne se découpe en deux sections, il y le Musée des Arts de la Marionnette (MAM), célèbre art traditionnel lyonnais, et le musée d’Histoire de Lyon (MHL), où nous nous sommes rendus le mercredi 19 octobre 2022. La première des deux expositions présentées à ce moment-là dans la section histoire de Lyon, s’intitulait « Portraits de Lyon ». L’idée des commissaires dans cette collection était de présenter la ville de Lyon, sous ses différents jours, et de mettre en avant ce qui en fait une ville singulière.
En effet, l’exposition s’ouvre sur une courte vidéo, qui parcourt les lieux emblématiques de Lyon, et qui donne l’image d’une ville paisible, où il fait bon vivre. Le reste de la visite se présente de façon assez ludique, puisque pour retracer l’histoire de Lyon, les commissaires ont fait le choix de créer des personnages thématiques, décrits sur des panneaux, ayant pu exister à différentes époques, qui incarnent diverses fonctions. On retrouve notamment le portrait d’une lavandière, d’un canut, d’un comédien, ces personnages incarnent certains des métiers typiques de Lyon. Chacun des personnages possède un objet moderne auquel il est associé, on trouve des gants de boxe, un flamant rose, une montre de la marque rolex, et d’autres. Une maquette de Lyon interactive y est également présentée. Ce choix d’exposition ludique rend la visite accessible, et permet aux petits comme aux grands de découvrir Lyon.
La seconde exposition explorée lors de notre déambulation dans les salles du Musée d’Histoire de Lyon (MHL) s’intitule « Les pieds dans l’eau ». Elle porte sur deux éléments majeurs de l’identité de la ville de Lyon, à savoir le Rhône et la Saône, dont le confluent se situe au cœur de Lyon.
Leurs eaux permettent d’irriguer le territoire qu’elles ont en outre permis d’organiser. Car, en effet, les habitants de Lyon se sont déployés autour de ces cours d’eau pour développer leur ville.
Dans une actualité marquée par les enjeux écologiques, l’exposition questionne aussi les rapports des Lyonnais à ces/leurs eaux. On découvre ainsi dans cette exposition des maquettes et des tableaux de bateaux qui rappellent que longtemps, les lyonnais vivaient autour de leurs rivières. Les Lyonnais ont littéralement les pieds dans l’eau... surtout lors des crues ! C’est d’ailleurs ce dont témoignent les installations ludiques et interactives qui mettent en avant les inondations que la ville a connues au cours de l’histoire.
Personnellement, j’ai trouvé le lieu très beau, l’architecture, l’aménagement des espaces m’ont plu, et j’ai trouvé le propos des expositions intéressantes. Ce sont des expositions accessibles qui visent un public large ; néanmoins, j’ai justement trouvé la forme de l’exposition trop enfantine et trop simple pour nous. Les portraits de Lyon étaient montés sous forme de personnages fictifs, ce que j’ai trouvé dommage. Je suis sûre qu’avec des recherches, on aurait pu trouver des vrais Lyonnais, dont l’histoire aurait permis de dresser le portrait authentique de la ville et de son Histoire. Cela aurait été plus percutant. Je pense que la volonté d’être à tout prix « ludique » a gâché l’authenticité des sujets.